El Dorado

/ Découpe de boucherie,

32 pièces de bois, éclairage de boucherie

7 X 4,5 m

2010

 

"Breaching", Galerie Yukiko Kawase, 2010

 

 

 

 

 

«On ne mange pas de la viande simplement parce qu’on a besoin de protéines... Il y a dans la consommation de l’animal une structure sacrificielle, et donc un phénomène «culturel», lié à des structures archaïques qui persistent et qu’il faut analyser». Jacques Derrida

Rites, sacrifices, viandes impures, sacrées... Rien ne semble anodin dans l’acte de consommation carnée. Avant tout, il semblerait qu’ingérer l’animal soit aussi ingérer son énergie, sa vitalité (vivanda = vivre).

Alors l’univers de la boucherie ne serait il pas un «autel», un «haut lieu» de passage où l’âme de l’animal serait en transit? «Souffler la musique», «maquillage», «habillage», «fleurage», ce lexique emprunté à l’univers de la boucherie semblerait indiquer que ce processus passe bien par une opération de sublimation, de transmutation. «Nous ne mangeons plus que des viandes préparées, inanimées, abstraites du grouillement organique où elles apparurent d’abord» G.Bataille. Nouvelle perception de l’animal devenu viande, et donc matériaux, substance malléable, façonnable à souhait. Le corps fragmenté efface toute analogie anthropomorphique dans une déréalisation de l’animal, abolissant radicalement sa forme, l’abstractisant, le désincarnant. Dans cette configuration, les tronçons géométriques qui le composent sont autant d’écrans de projection mentale, neutralisée, «an-esthésiée».

Alors le traçage et découpage selon des règles préétablies, codifiées, constitueraient un rituel dans lequel l’homme sculpte, peaufine, invente, ses aliments, tel un nouveau monde, où chaque parcelles dessineraient des territoires qu’il faut rebaptiser, bien loin des termes d’anatomie, et du vivant.

C’est dans cette optique qu’est construit l’installation «Eldorado», paysage aseptisé où, le spectateur est invité à déambuler au milieu de formes qui représentent non plus l’animal, mais la représentation de celui-ci. Ainsi dans ce renversement, où les éléments sont ramenés à l’échelle humaine, et éclatés dans l’espace, nous passons de la représentation virtuelle des choses, (le schéma fonctionnel extrait du manuel de la cuisinière) à leur matérialisation palpable, inscrite dans une logique esthétique. Ce passage de la 2 ème dimension à la 3 ème, fige cette autre réalité qui finalement se vide de sens.

Toute trace du vivant est ici effacée, seul souffle de vie: l’éclairage artificiel légèrement rosé utilisé dans les boucheries pour allécher le client en faisant ressortir le rouge de la viande. A moins que ce soit la carnation du spectateur qui soit ici mise en valeur...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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